Les communes rurales et périurbaines cherchent autant que les villes à s’émanciper de la voiture, responsable à elle seule de 16 % des émissions des gaz à effet de serre en France. Mais elles rencontrent davantage de freins.
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Si les territoires peu ou moyennement denses ont été le terreau du mouvement des « gilets jaunes », déclenché en 2018 par l’annonce d’une hausse des taxes sur les carburants, c’est que les ménages y sont plus astreints qu’ailleurs à la voiture. Bien que le plein pèse de plus en plus lourd sur leur budget, ils ont souvent très peu d’alternatives quand il s’agit de parcourir des kilomètres pour aller travailler, accéder à des services ou même à un médecin. Avec la flambée du prix du pétrole, l’urgence de réduire les trajets en voiture individuelle est donc à la fois climatique et sociale. Mais l’offre de transports en commun n’est pas toujours suffisante. « Dans les grandes villes, le maillage, la cadence et l’amplitude horaire des bus, métros et tramways permettent d’aller facilement et rapidement partout, à tout moment de la journée. Or, pour des questions de coût et d’efficience de la dépense publique, un tel niveau de service est impossible à offrir dans les zones peu et moyennement denses », note Élodie Trauchessec, ingénieure au service Transports et Mobilités de l’ADEME.
« Il n’y a cependant pas de fatalité, poursuit-elle. Une partie des déplacements réalisés en voiture sont courts, même dans les territoires ruraux, et pourraient être effectués à bicyclette. Les vélos à assistance électrique (VAE) permettent même d’aller plus loin, de surmonter les dénivelés, et attirent de nouveaux usagers, comme les seniors. » Reste à améliorer la sécurité des piétons et cyclistes. Si les collectivités veulent convaincre leurs habitants, la sensibilisation ne suffit pas, il faut aussi réaménager la voirie. La ville de Cugnaux (31) a ainsi réussi, en sécurisant la rue de son école, à convaincre 58 % des parents d’y amener leurs enfants à pied ou à vélo. À une échelle plus large, les départements ont un rôle majeur pour l’aménagement de pistes cyclables qui ne s’arrêtent pas aux frontières des communes. Exemple en Mayenne : le schéma départemental des mobilités durables prévoit d’aménager 40 km de pistes par an entre 2021 et 2024, mais aussi de financer, à hauteur de 25 %, les aménagements cyclables portés par les communes.
Afin d’accompagner les territoires peu ou moyennement denses dans leurs politiques cyclables, l’ADEME opère par ailleurs depuis 2019 les programmes CEE AVELO et AVELO 2. Parmi les collectivités à en avoir bénéficié : la communauté de communes de Val d’Ille-Aubigné (35), qui propose à ses habitants la location d’un vélo à assistance électrique pendant 6 à 12 mois pour tester, puis une aide à l’acquisition. L’intercommunalité a aussi aménagé plus de 25 km de pistes cyclables et créé 200 places de stationnement vélo, notamment pour faciliter l’accès des cyclistes à la gare, aux arrêts de car et aux aires de covoiturage. Car le vélo ne permet pas tout. Faciliter l’intermodalité du vélo avec des transports plus longue distance est primordial.
Partage et intermodalité
Pour les trajets qui ne peuvent pas être réalisés à vélo, le covoiturage est la solution de mobilité incontournable des politiques de décarbonation des transports en territoire peu et moyennement dense. La région Auvergne-Rhône-Alpes l’a bien compris. Elle propose depuis 2016 une application, Mov’Ici, qui permet de créer gratuitement des communautés de covoiturage entre personnes travaillant au même endroit ou ayant les mêmes loisirs. En 2021, grâce à cet outil, mais aussi aux actions de sensibilisation menées dans les entreprises locales, 262 groupes étaient créés, pour près de 1 000 trajets planifiés par mois. « La plupart des gens se déplacent de façon assez normée en semaine, rejoignant les mêmes pôles d’attraction, via les mêmes routes et les mêmes horaires », note Élodie Trauchessec. Au point que, sur les trajets les plus empruntés, le covoiturage peut même être transformé en une nouvelle forme de transport en commun (lire p. 11).
Dans le cadre de la démarche France Mobilités, l’ADEME a par ailleurs lancé en 2018 un appel à manifestation d’intérêt pour des Territoires de nouvelles mobilités durables (TENMOD). « Cela a permis à des territoires peu ou moyennement denses de financer leurs plans de mobilité simplifiés, explique Séverine Boulard, ingénieure au service Transports et Mobilités de l’ADEME. Mais aussi d’expérimenter de nouveaux services, comme le transport à la demande, public mais qui se réserve comme un taxi, pour éviter l’isolement des personnes âgées, à mobilité réduite ou éloignées de l’emploi. Ou encore l’autopartage. » Car celui-ci n’est pas réservé à la ville. Pour preuve, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne (51) s’est associé à Citiz, coopérative spécialisée dans l’autopartage, pour proposer des véhicules électriques en libre-service sur son territoire rural. Cela contribue à convaincre les ménages de lâcher au moins une de leurs voitures : pour des besoins ponctuels, ils ont désormais une solution. Le programme TENMOD a aussi permis de tester des services de livraison à vélo cargo qui évitent aux clients nombre de trajets en voiture.
L’eXtrême Défi
Développer un véhicule 10 x moins coûteux, 10 x plus durable, 10 x plus léger et 10 x plus simple qu’une voiture, capable d’accueillir 2 personnes et une charge de 100 kg. Tel est le défi lancé par l’ADEME à tous les ingénieurs, industriels, chercheurs et territoires intéressés.
Plus d’infos : xd.ademe.fr
Une mobilité en coconstruction
Créée en 2019 par le ministère chargé des Transports, en partenariat avec l’ADEME, la plateforme collaborative France Mobilités permet aux collectivités et opérateurs de transports de partager leurs initiatives et solutions pour améliorer les mobilités du quotidien. Elle compte aussi des cellules régionales, visant à soutenir les territoires qui le souhaitent dans la définition et la concrétisation de leurs projets.
Plus d’infos : www.francemobilites.fr